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Les pensées de Nicolas H.
23 avril 2018

Les prémices de la représentation d'intérêt au niveau européen

Des Américains ont participé à l'invention de la théorie communautaire des groupes d'intérêt, et d'autres à l'adaptation du pluralisme analytique dans certains États fondateurs du Marché commun. Mais, si leur présence a été manifeste dans la fabrique de la théorie originelle, leur absence l'est tout autant à partir de l'adhésion du Royaume-Uni en 1973. Deux entreprises académiques américaines commencent à la fin des années 1950. L'une, coordonnée par G. Almond, s'effectue dans le cadre du Social Science Research Council (SSRC), l'autre, plus dispersée, offre l'occasion à despolitical scientists de reprendre une position intellectuelle en Europe sans revenir dans leur État d'origine. L'analyse comparée et la conversion des Européens à la théorie américaine. Le SSRC, créé en 1923, a été dirigé par P. Herring entre 1948 et 1968. Sous son égide, une équipe a développé le volet comparatif de la théorie des groupes d'intérêt. L'enjeu était non seulement d'établir une grille de comparaison, mais également de démontrer qu'il y avait des systèmes structurés de groupes d'intérêt dans les pays démocratiques d'Europe. Ces travaux ont rapidement abouti à cette affirmation , il y a des groupes d'intérêt dans les États européens. Pour le Royaume-Uni, les Américains S-H. Beer ou H. Eckstein ont participé à la conversion des élites (universitaires et politiques) qui, avant ces travaux, ne voulaient pas toutes entendre que la Grande-Bretagne avait aussi des groupes de pression. C'est la Seconde Guerre mondiale qui a présidé à ces retours en Europe des politologues américains. En Italie, J. Lapalombara publie l'ouvrage de référence sur les groupes d'intérêt et participe à la conversion des Italiens à leur présence. Pour la France, le membre du SSRC qui publie ses travaux et s'inscrit dans les discussions de la science politique française est H-W. Ehrmann. Il y développe à la fois des travaux sur la France, le patronat, et coordonne un des premiers ouvrages de comparaison des groupes d'intérêt. Dans l'espace institutionnel européen, les premiers travaux sont débattus en 1956 lors d'une table de ronde de l'Association internationale de science politique (AISP). Mais c'est la consécration des groupes d'intérêt comme vecteurs du processus d'intégration qui les instituent comme acteurs légitimes en Europe. Avec la signature du traité de Rome le 25 mars 1957, l'aventure européenne de la théorie des groupes d'intérêt a déjà commencé. C'est dans cette conjoncture conflictuelle de l'émergence de l'Europe des six qu'une vision, commune soutenant l'un des fondements théoriques et pratiques, de la doctrine communautaire est inventée par des politologues américains : l'unité du marché commun et, celle de l'Europe politique escomptée dans l'avenir reposent sur le processus d'intégration dont les soutiens doivent aussi être les groupes. Dans cet espace en cours de structuration, la participation des groupes d'intérêt au travail de la Commission a été érigée comme « norme démocratique ». Ici aussi, des universitaires ont participé à la consécration de ce dogme de la Commission. Certains en sont devenus les spécialistes, joignant parfois la théorie à la pratique en acceptant la qualité d'expert ou de consultant. De l'autre côté, des acteurs de la construction européenne (aux premiers rangs desquels figurent les commissaires) ont validé ces thèses. Le tout a forgé cette croyance : l'Union européenne est le terrain de prédilection du lobbying. Les auteurs de cette découverte théorique ont transposé à la CEE le modèle pluraliste dominant aux États-Unis. Dans les institutions européennes, les ressources intellectuelles (auteurs, théories et, concepts) sont devenues autonomes des luttes intellectuelles nationales. Si les groupes d'intérêt sont désormais au cœur du processus d'intégration européenne, ce sont des auteurs européens qui ont porté leur attention sur eux sans nécessairement reprendre la problématique originelle. Mais, en publiant leurs recherches sur l'action européenne des groupes, ils ont également permis la conversion d'autres acteurs européens à cette théorie.

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